Page:Rachilde - Refaire l’amour, 1928.djvu/141

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un chaste. J’ai horreur du vice, horreur des histoires du genre de celles que vous me racontiez tout à l’heure. Le hasard m’a simplement repris ma femelle, et je ne suis plus qu’un pauvre mâle désemparé. Je crois que le couple erre à travers les siècles en se cherchant et qu’il ne se reforme que par un miracle des circonstances. Et c’est sans doute pour cela qu’on n’aime qu’une fois en toute connaissance de cause. Cela peut durer jusqu’à la mort, à la seule condition de ne pas survivre à la plénitude des sensations ou des sentiments. Il faudrait avoir le courage de tuer ou de se tuer. Remarquez, je vous prie, que le monde entier tourne autour du sujet. Toutes les légendes et toutes les religions en sont la preuve. Mais l’humanité a perdu le sens des sens et ne sait même pas ce qu’elle désire, parce qu’elle est appauvrie sous tous les rapports. Bientôt il vous faudra créer des maisons de santé pour les gens bien portants comme vous et moi, parce que les gens bien portants seront la terreur des autres. Ce seront les grands carnassiers perdus dans la forêt des appétits, justement anormaux. Il est anormal d’aimer l’argent, les honneurs, la coco et de parler perpétuellement pour ne rien dire, de se leurrer mutuellement sur toutes sortes de crimes que l’on commet au nom de toutes sortes de conventions sociales qui