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Page:Rachilde - Refaire l’amour, 1928.djvu/148

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chette, pourquoi vous vous attendrissez sur les malheurs d’une Eva-chat-perdu qui s’offre toute une famille d’amants ? Vous avez vraiment un petit cœur dépravé, ma chérie.

— C’est pas ma faute, monsieur Montarès. J’ai pleuré parce que c’est la vérité, cette chanson-là. On n’a plus de parents, et ce serait pourtant la famille, un amant qui vous aimerait… aussi pour tout le reste !

Je la serre contre moi en respirant son parfum de jeune fleur après l’orage, parfum qui domine l’heure choisie, laquelle heure, hélas ! tarde bien à sonner ! Je commence à ne plus savoir ni ce qu’elle veut ni ce que je veux, ce qui me force à vivre, en dehors d’elle, d’une existence de bâton de chaise. Je suis ensorcelé. Je n’ose pas la réduire à un rôle très vulgaire, parce que j’ai peur, précisément, de la vulgarité qui pourrait en ressortir, tuant tous les autres délicieux effets de sa nature primesautière. Les fleurs sauvages sont, à les regarder vivre en liberté, les plus exquises des fleurs, mais cueillies, mises dans un verre d’eau, elles se fanent très rapidement, se décolorent, tous les détails de leurs grâces disparaissent et bientôt il ne nous reste plus que… de l’herbe, une espèce de cheveux secs ou mouillés, tout au plus bons pour les bestiaux : du foin.

— Bouchette, je vous adore, en atten-