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Page:Rachilde - Refaire l’amour, 1928.djvu/171

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défendre. Sirloup, happé au collier, frissonne d’une terreur témoignant de sa superstition d’animal en présence d’un autre animal d’une race inconnue. Je le maintiens en arrêt devant ce nouveau gibier débusquant de son antre. On l’aperçoit aussi nettement aux lueurs de la lune, que dans un écran de cinéma. Elle est d’un âge incertain, belle de lignes, blonde ou rousse, coiffée court avec des mèches qui lui obstruent les yeux. Elle tire, en se traînant, un lambeau d’étoffe, un manteau, je crois. Péniblement, elle se relève, titube un peu, en ramassant ce manteau, une fourrure de zibeline doublé d’une soie claire, puis s’en couvre, se fond, maintenant, dans une silhouette bien mondaine, celle d’une dame qui serre sa pelisse autour d’elle, du même geste qu’elles ont toutes sur le perron d’un grand restaurant ou du théâtre, quand le froid sévit et qu’elles attendent leur voiture.

Elle vient à moi, lentement, et me dit ceci, d’une voix somnolente, hallucinée :

— Monsieur, cher monsieur ? Voulez-vous faire un quatrième ?

Elle est probablement ivre, ne se souvient pas du tout du costume qu’elle porte sous la décence de son manteau, dont le col monte jusqu’à la touffe désordonnée de ses cheveux.