Aller au contenu

Page:Rachilde - Refaire l’amour, 1928.djvu/183

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

rebord d’un divan, près de l’estrade où montent les modèles, et m’indique un fauteuil, très chez elle, encore plus distante parce qu’elle me fait sentir que j’ai à peine le droit d’être chez moi.) Je désire vous expliquer ce que je veux et pourquoi je le veux. Il faut que vous me compreniez bien, monsieur Alain Montarès.

Nous sommes en face l’un de l’autre. Le grand atelier nous entoure de son clair-obscur de cinq heures, le moment où tombe, du haut des arbres, ce jour vert, doucement triste, qui baigne les objets d’une onde stagnante, d’une eau de citerne. Je n’ose pas allumer une torchère parce que j’ai peur de faire s’évanouir la vision, l’apparence de cette femme. Si ce n’était pas elle ? Dans l’atmosphère morne, les statues et les toiles prennent, elles aussi, l’apparence de personnages en visite, décidés à nous écouter avec déférence. Je suis resté debout, la dévorant des yeux. Pourquoi n’enlève-t-elle pas ce voile qui ressemble à des hachures de fusain ?

— Je ne vous ai pas envoyé de lettre de faire-part, ne le jugeant pas utile, Alain Montarès, quand j’ai perdu mon mari, voici près d’un an. Je demeure, à présent, en province, dans la propriété où il est mort et j’ai l’intention de m’y fixer définitivement. C’est la paix de la campagne, pas loin d’une petite