Page:Rachilde - Refaire l’amour, 1928.djvu/194

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les sens et l’âme ? Est-ce que vous avez été autre chose qu’un bourreau se complaisant aux larmes de sa victime, la tourmentant de près par son infernale jalousie, de loin par ses lettres railleuses ou indifférentes ? J’ai vainement espéré de vous un mot d’espoir dans un avenir meilleur et, pour vous, le présent, ma présence, vous suffisait. Vivant isolée à Paris, sans protection et sans l’époux que je ne voulais pas mettre en tiers dans une intrigue dangereuse, j’ai dû vous subir et me griser de vos caresses pour tâcher d’oublier mon esclavage. Quand on descend cet escalier-là, Monsieur Montarès, on est beaucoup plus à plaindre qu’à blâmer, les prêtres me l’ont dit. Si je fus votre élève docile, celui qui enseigne est le plus coupable. Qu’est-ce que je viens vous demander ? La paix. Et maintenant que le mort m’entoure de sa protection occulte, je n’ai pas peur de retomber sous le joug de Satan. Pax ! Alors, pourquoi vous laisserais-je le gage de ma honte ? Vous parliez d’un avocat, tout à l’heure ? Secrètement, j’en ai consulté un. La loi est formelle : un portrait est à celui qui l’achète. Je suis peut-être assez riche maintenant pour y mettre le prix… Combien, Monsieur Montarès ?

Je reçois ça en pleine face et mes joues brûlent. Je ne l’ai pas quittée du regard. J’ai