Page:Rachilde - Refaire l’amour, 1928.djvu/23

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assurément. Tout, sur elle, est d’un noir luisant, a cette patine des vêtements usagés mais très propres. Au bas de la taille, une ceinture, une lanière de cuir coupe le manteau. Aucun bijou, aucune lingerie, cependant, des gants, des gants de peau, peut-être parce qu’il fait froid, peut-être parce qu’on n’a pas d’autre fourrure. Les femmes vulgaires n’ont pas de ces gants-là. Elles préfèrent, avant tout, porter une barrette de strass, un collier de cabochons énormes ou des souliers de bal.

Celle-ci ne se fait remarquer ni par le pendentif ni par la chaussure. Elle est tout unie, simple. J’oublie qu’elle arbore une bouche de corail si rare qu’elle vaut toutes les parures de la terre.

Ah ! cette bouche… que ne donnerais-je pas tout de suite pour la voir sourire, sourire à n’importe qui, à n’importe quoi. Et j’ai l’inquiétude de découvrir, en cet écrin de satin pourpre, des perles irrégulières, gâtées, ou fausses. Je suis blessé, d’avance, par une possible désillusion.

Je marche fiévreusement, sans m’en apercevoir, je bouscule des passants et je m’arrête, un peu confus, presque sur elle. Je n’ai même pas l’idée de m’excuser. Je la dépasse, forcément, pour ne pas la bousculer aussi et je n’ose plus me retourner pour ne pas lui manquer de respect en la dévisageant. Reste