Page:Rachilde - Refaire l’amour, 1928.djvu/233

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d’amour. Rien ne me retient à elle que cette espérance d’un geste, d’un mot, d’un frisson égalisant les chances que nous courons sur ce terrain affreusement glissant du plaisir partagé. J’ai étudié mon modèle sous tous les jours, sur toutes les faces et même par tous ses angles. Je ne comprends pas ce qui m’arrive, encore moins celle qui part ! Quelle phrase faut-il faire et quel ton faut-il prendre pour essayer de lui rendre palpable ma rage ou mon chagrin ? Je n’ai aucune expérience dans le discours platonique non accompagné de geste. Qu’est-ce que c’est qu’aimer quelqu’un platoniquement ?… Et à quoi ça rimerait-il, après ?… Ah ! si j’étais poète ! Mais, moi, je ne sais pas m’exprimer en mesure, je suis hors de toute mesure. Je ne suis qu’un violent, qu’un barbare ! De sorte que, doué de la puissance physique je suis un impuissant cérébral, autant dire un idiot. Mais qui dit idiot, dans mon pays, là-bas, au soleil, dit innocent et c’est pour cela qu’elle devrait me pardonner ou m’admettre. Elle admet bien Sirloup… moins les puces ! Suis-je donc autre chose maintenant qu’un parasite encombrant, la bête qui mord et qu’il est nécessaire de chasser ?

Je jette mon pinceau que, sans m’en rendre compte, je viens de casser en deux.

— Line, j’ai fini. Désirez-vous que nous