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Page:Rachilde - Refaire l’amour, 1928.djvu/250

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din-là m’a tout l’air d’un apache : une casquette, des mains rouges, une mauvaise figure. De trente à trente-cinq ans. Il a d’abord parlé poliment, puis, il a haussé le ton en disant qu’il était un ancien combattant ; alors, mon mari qui rempotait des fuchsias est arrivé pour savoir de quoi il retournait et ils sont encore à discuter sur le perron.

— Francine, faites-le entrer. On doit toujours recevoir un ancien combattant… surtout quand il a une mauvaise figure.

— Mais, Monsieur…

— Allez et lorsqu’il sera ici, qu’on nous laisse tranquilles, hein !

Francine s’en va. Elle n’est pas très rassurée. Je me remets à peindre. Le crépuscule descend. Ce jour vert ambré, moitié soir d’automne, moitié soupirail de cave, ne convient pas du tout à mon étude. Il faut l’abandonner. Je me lève, repousse le chevalet, prends la petite toile que je confronte avec une grande glace et je me vois. Je ne vois plus que moi.

J’ai vieilli en ces longs mois de fuite hors de moi-même. Le vent de la course, de cette promenade folle qui ressemblait plutôt à un défi au bon sens, a imprimé des plis sur ma peau, là sur mon cou, a froissé mon visage qui n’est plus que le masque grimaçant du beau Montarès. Combien de temps tien-