Page:Rachilde - Refaire l’amour, 1928.djvu/28

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cruel chasseur, bourreau de lui-même, chassé par l’idée fixe de tuer sa douleur à laquelle il revient toujours comme un blessé tourmente son inutile pansement, je ne guérirai donc jamais, puisque je ne sais pas être le plus fort et qu’au lieu de fabriquer le miracle moi-même… j’attends l’occasion.

Ah ! Mon Dieu ! La voilà ! C’est elle qui, au lieu de redescendre le boulevard, aura fait le tour par une autre rue et me recroise sans l’avoir fait exprès ou… m’ayant suivi, de son côté ? Mais non ! Elle est arrêtée devant une petite mercerie à peine éclairée où il n’y a rien à regarder, c’est-à-dire qu’elle regarde ailleurs. Au fond de ce couloir sombre, qui s’ouvre béant, de notre chemin à tous les deux, on entrevoit, comme un piège tendu, un vaste miroir aux alouettes, un grand hôtel portant banderoles et enseignes lumineuses. Il y a là un thé, une appétissante pâtisserie tout entourée de limousines noires, telles de grosses mouches bourdonnant autour d’un colossal gâteau diamanté de sucre.

Je marche droit sur la femme arrêtée.

Salut discret.

— Madame ou mademoiselle, pardonnez-moi. Voici que je vous rencontre encore et nue je vous regarde avec une insistance qui a dû déjà vous déplaire. C’est que je m’imagine vous reconnaître…