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Page:Rachilde - Refaire l’amour, 1928.djvu/59

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Les yeux sont durs, fixes, d’une fixité d’au-delà très inquiétante, mais le sourire est séduisant, voulu et naïf à la fois. Il est extraordinairement railleur, ce soir, dans cette naïveté qui ressemble à de la pitié. Sous ses yeux très clairs, des yeux d’eau, il y a le bistre mystérieux de la volupté et autour de la bouche, les virgules, creusées par l’ongle de la souffrance ou du désir inexprimé.

Le corps est cambré en arrière, les deux bras qu’on ne voit pas, s’appuyant à une barre, peut-être à une branche de l’arbre qui est derrière la toile. Cette pose fait saillir le ventre blanc, en bouclier de métal, et ce bouclier, serti par l’ombre qui nous entoure, devient le centre, le rayonnement même de l’astre de cette nuit.

Toute la valeur de ce portrait est dans la hantise qui s’en échappe justement à cause de cet assemblage bizarre de morceaux trop fouillés et de lignes floues. Je m’étais complu d’abord à le polir, de mille petits détails intimes pour en faire le document féminin par excellence : puis, revenu de cette exposition où il eut vraiment trop de succès, un succès de très mauvais aloi, je l’ai détérioré, saisi d’un accès de jalousie que je ne m’explique pas encore. J’en ai brouillé les lignes trop nettes, les ai voilées d’une sorte de crêpe qui prolonge les cheveux et noie les détails,