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Page:Rachilde - Refaire l’amour, 1928.djvu/62

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variations ; il semble chercher la note, puis il rabat les oreilles, une patte en avant, solidement appuyée, et l’autre soulevée, effleurant à peine le tapis, comme le pianiste levant la main après un savant arpège. Son front s’auréole de l’inspiration, ses yeux s’allongent et lui font le tour du crâne, sa gueule se fend en un rictus de dilettante, il donne peu à peu de la voix, enfle de plus en plus du gosier. C’est le loup qui a faim dans les neiges russes. Ou le lion du désert d’Afrique appelant sa femelle. Et c’est aussi, par petits hoquets, la chatte de la concierge s’étranglant avec une arête.

Cela me réjouit grandement, jusqu’au moment où cela me serre le cœur à m’en faire rendre mon dîner.

— Assez, Sirloup. Assez ! De quoi te plains-tu ? Tu n’es qu’un chien. Qu’est-ce que tu dirais si tu étais un homme ? Oui, elle a filé, ta sacrée chatte, et moi je ne retrouverai jamais cette femme, parce qu’il y a les barreaux de notre grille, ceux de la porte de notre prison. Ma volonté et ton servage d’animal, deux choses à peu près égales en blessures d’amour-propre. Je ne vais pas courir après, hein ? Et toi, tu es trop gros pour passer au travers… Mon chien, cette messe des morts me semble avoir assez duré. À dix heures on ferme les pianos, ici. Tu vas