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Page:Rachilde - Refaire l’amour, 1928.djvu/80

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grand chic, c’est de leur broder une fleur sur le coin de leur couvre-pieds. Une rose pour les filles, un bleuet pour les garçons. Ah ! ce que j’en ai brodé de ces fleurs-là ! (Elle rit.) Nounou, je vous remercie de me l’avoir laissé embrasser. Tenez, voilà Monsieur qui va vous certifier que je n’ai pas la gale !

La nurse pousse, de nouveau, son berceau roulant en nous saluant avec une pudeur anglaise très distinguée.

— Vous aimez les enfants, Bouchette ?

— Oui, beaucoup. Quand… (elle hésite) quand je me suis mariée, c’était mon rêve d’en avoir un. Il paraît qu’il faut être deux dans la même idée, pour ça. (Elle parle doucement, sans aucune intention malsaine. Elle a l’air de continuer à rêver tout haut.) Mais il y a la vie chère, les complications du logement, puis, l’ouvrage à rapporter, les courses, des tas d’histoires. Il faut être juste, mon mari est plus raisonnable que moi. Au jour de maintenant, on ne peut plus se mettre en ménage tout à fait. Quand on s’établira à son compte…

— Vous me préviendrez, Bouchette.

— Pourquoi ?

— Parce que je préfère les fleurs, même brodées, aux fruits les plus… joufflus.

— Vous n’aimez pas les enfants, vous si calin ?