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Page:Rachilde - Refaire l’amour, 1928.djvu/82

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glace, ni celle de la crème. J’ai senti, sous mes doigts, à cet endroit précis que les médecins appellent le tact sensoriel, cette impression de pétale, de fleur onctueuse, à pulpe grasse, camélia, magnolia, nélumbo, de fleur froide qui brûle la chair et qui fut la chair de ma chair.

Bouchette s’anime, je crois qu’elle raconte l’histoire de son union libre, ou de son mariage, elle affirme et je finis par écouter :

— …Oui, c’était un enfer, chez mes parents. Le père abruti à ne plus pouvoir manger sa soupe tout seul et la mère toujours exaspérée à cause de mon frère, au front, dont on ne recevait pas de nouvelles. À l’atelier, ça ne marchait pas mieux. J’étais en apprentissage pendant les bombes. Il fallait voir mon trac dans les rues ! Les meilleures clientes étaient parties et, bien souvent, quand on allait livrer les commandes, on ne rencontrait plus personne. Puis, je devais servir les premières, leur porter leurs lettres à la poste pour leurs poilus et leur enfiler leurs aiguilles quand elles pleuraient en lisant les réponses. Si j’ai appris à coudre et à broder, ce n’est pas leur faute ! Il y en avait une qui était très méchante parce qu’elle avait plein de boutons sur la figure. Elle m’appelait Petit-Suisse à cause de mon teint blanc. C’est celle-là qui m’a cherché quel-