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Page:Rachilde - Refaire l’amour, 1928.djvu/92

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sombre acier, délicieux monstre de sagesse et de grâce.

Le plaisir de copier ça m’empoigne. J’ajoute, derrière le casque, la silhouette d’un cygne majestueux qui vogue sur les lames de verre de l’étang et ressemble à un grand jouet apparu dans une vitrine. Ah ! que n’ai-je des couleurs, un brin de pastel, un simple crayon rose pour sa bouche ! Tout est fluide, se dégradant du vert pâle jusqu’au blanc éblouissant de ces ourlets de neige. Les branches onduleuses des arbres, au lent glissement de l’auto, font de très légères broderies veloutées sur les moires du ciel d’un gris s’azurant çà et là. Ce n’est pas la nature, c’est un décor, l’imitant, la corrigeant, la plaçant à notre portée de pauvres humains falsifiés, stérilisés.

Si Bouchette et moi nous vivions dans une île déserte, elle n’aurait pas ce qu’elle désire ou croit désirer ; cependant, je la consolerais de ses déceptions. Mais, me consolerait-elle des miennes ?

Je montre à Bouchette sa jolie figure.

— Voilà, madame, une première manière. Ce n’est pas ce que je voudrais réaliser et cela ne vaut rien pour la reproduction, soit dit sans offenser les instincts sacrés que vous portez en vous ! Nous tâcherons de faire mieux, la prochaine fois. Maintenant, allons goûter