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ANDROMAQUE

Que Pyrrhus d’un regard la voulût honorer ?
Il l’épouse : il lui donne, avec son diadème,
La foi que vous venez de recevoir vous-même,
Et votre bouche encor muette à tant d’ennui
1140N’a pas daigné s’ouvrir pour se plaindre de lui !
Ah ! que je crains, Madame, un calme si funeste[1] !
Et qu’il vaudroit bien mieux…

HERMIONE.

Et qu’il vaudroit bien mieux…Fais-tu venir Oreste ?

CLÉONE.

Il vient, Madame, il vient ; et vous pouvez juger
Que bientôt à vos pieds il alloit se ranger.
1145Prêt à servir toujours sans espoir de salaire[2],
Vos yeux ne sont que trop assurés de lui plaire.
Mais il entre.


Scène III.

ORESTE, HERMIONE, CLÉONE.
ORESTE.

Mais il entre.Ah ! Madame, est-il vrai qu’une fois
Oreste en vous cherchant obéisse à vos lois ?
Ne m’a-t-on point flatté d’une fausse espérance ?
1150Avez-vous en effet souhaité ma présence ?
Croirai-je que vos yeux, à la fin désarmés,
Veulent…

HERMIONE.

Veulent…Je veux savoir, Seigneur, si vous m’aimez.

  1. · · · · · · Δέδοιχ´ ὅπως
    Μὴ ´κ τῆς σιωπῆς τῆσδε ἀναρρήξει κακά.

    (Sophocle, Œdipe roi, vers 1062 et 1063.)
  2. Nous avons suivi, pour la ponctuation de ce vers et du précédent, toutes les éditions imprimées du vivant de Racine. M. Aimé-Martin a mis une virgule après se ranger, deux points après salaire.