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Page:Racine - Œuvres, t3, éd. Mesnard, 1865.djvu/309

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PRÉFACE.





PRÉFACE.


Voici encore une tragédie dont le sujet est pris d’Euripide. Quoique j’aie suivi une route un peu différente de celle de cet auteur pour la conduite de l’action, je n’ai pas laissé d’enrichir ma pièce de tout ce qui m’a paru plus éclatant [1] dans la sienne. Quand je ne lui devrois que la seule idée du caractère de Phèdre, je pourrois dire que je lui dois ce que j’ai peut-être mis de plus raisonnable sur le théâtre. Je ne suis point étonné que ce caractère ait eu un succès si heureux du temps d’Euripide, et qu’il ait encore si bien réussi dans notre siècle, puisqu’il a toutes les qualités qu’Aristote demande dans le héros de la tragédie, et qui sont propres à exciter la compassion et la terreur [2]. En effet, Phèdre n’est ni tout à fait coupable, ni tout à fait innocente : elle est engagée par sa destinée, et par la colère des Dieux, dans une passion illégitime, dont elle a horreur toute la première. Elle fait tous ses efforts pour la surmonter. Elle aime mieux se laisser mourir que de la déclarer à personne. Et lorsqu’elle est forcée de la découvrir, elle en parle avec une confusion qui fait bien voir que son crime est plutôt une punition des Dieux qu’un mouvement de sa volonté.

J’ai même pris soin de la rendre un peu moins odieuse qu’elle n’est dans les tragédies des anciens, où elle se résout d’elle-même à accuser Hippolyte. J’ai cru que la calomnie avoit quelque chose de trop bas et de trop noir

  1. Les éditions antérieures à celle de 1697, dont nous suivons le texte, portent : « m’a paru le plus éclatant. » — Nous n’oserions affirmer que la suppresson de l’article, quoique autorisée par de nombreux exemples, soit bien de Racine.
  2. Voyez la Poétique, chapitre XIII.