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Page:Racine - Œuvres, tome 1, 1679.djvu/157

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Et cherchant son rival d’un œil fier et tranquille :
« N’entends-je pas, dit-il, l’infidèle Taxile,
Ce traître à sa partie, à sa maîtresse, à moi ?
Viens, lâche, poursuit-il, Axiane est à toi :
Je veux bien te céder cette illustre conquête,
Mais il faut que ton bras l’emporte avec ma tête.
Approche ». À ce discours, ces rivaux irrités
L’un sur l’autre à la fois se sont précipités.
Nous nous sommes en foule opposés à leur rage ;
Mais Porus parmi nous court et s’ouvre un passage,
Joint Taxile, le frappe, et lui perçant le cœur,
Content de sa victoire, il se rend au vainqueur.

Cléofile
Seigneur, c’est donc à moi de répandre des larmes :
C’est sur moi qu’est tombé tout le faix de vos armes.
Mon frère a vainement recherché votre appui,
Et votre gloire, hélas ! n’est funeste qu’à lui.
Que lui sert au tombeau l’amitié d’Alexandre ?
Sans le venger, Seigneur, l’y verrez-vous descendre ?
Souffrirez-vous qu’après l’avoir percé de coups,
On triomphe aux yeux de sa sœur et de vous ?

Axiane
Oui, Seigneur, écoutez les pleurs de Cléofile.
Je la plains. Elle a droit de regretter Taxile :
Tous ses efforts en vain l’ont voulu conserver ;
Elle en a fait un lâche, et ne l’a pu sauver.
Ce n’est point que Porus ait attaqué son frère ;
Il s’est offert lui-même à sa juste colère.
Au milieu du combat que venait-il chercher ?
Au courroux du vainqueur venait-il l’arracher ?
Il venait accabler dans son malheur extrême
Un roi que respectait la Victoire elle-même.
Mais pourquoi vous ôter un prétexte si beau ?
Que voulez-vous de plus ? Taxile est au tombeau :
Immolez-lui, Seigneur, cette grande victime,