Page:Racine - Œuvres, tome 1, 1679.djvu/179

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Dans le ſang d’un Enfant je me baigne à loiſir ?
Non, Seigneur. Que les Grecs cherchent quelque autre Proye,
Qu'ils pourſuivent ailleurs ce qui reſte de Troye,
De mes inimitiez le cours eſt achevé,
L’Epire ſauvera ce que Troye a ſauvé.

Oreste

Seigneur, vous ſçavez trop, avec quel artifice
Un faux Aſtyanax fut offert au Suplice
Où le ſeul Fils d’Hector devoit eſtre conduit.
Ce n’eſt pas les Troyens, c’eſt Hector qu’on pourſuit.
Oüy, les Grecs ſur le Fils perſecutent le Pere.
Il a par trop de ſang acheté leur colere.
Ce n'eſt que dans le ſien qu’elle peut expirer,
Et juſques dans l’Epire il les peut attirer.
Prevenez les.

Pyrrhus

Prevenez les.Non, non. J’y conſens avec joye,
Qu'ils cherchent dans l’Epire une ſeconde Troye.
Qu'ils confondent leur haine, & ne diſtinguent plus
Le ſang qui les fit vaincre, & celuv des Vaincus.
Auſſi bien ce n’eſt pas la premiere injuſtice,
Dont la Gréce, d’Achille a payé le ſervice.
Hector en profita, Seigneur, & quelque jour.
Son Fils en pourroit bien profiter à ſon tour.

Oreste

Ainſi la Gréce en vous trouve un Enfant rebelle ?

Pyrrhus

Et je n’ay dont vaincu que pour dépendre d’elle ?

Oreste

Hermione, Seigneur, arreſtera vos coups ;
Ses yeux s’oppoſeront entre ſon Pere & vous.

Pyrrhus

Hermione, Seigneur, peut m’eſtre toûjours chere,