Page:Racine - Œuvres, tome 1, 1679.djvu/189

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Pourquoy donc les chagrins où ſon ame eſt plongée ?
Contre un Amant qui plaiſt pourquoy tant de fierté ?

Hermione

Helas ! pour mon malheur, je l’ay trop écouté.
Je n’ay point du ſilence affecté le myſtere.
Je croyois ſans péril pouvoir eſtre ſincere.
Et ſans armer mes yeux d’un moment de rigueur,
Je n’ay pour luy parler conſulté que mon cœur.
Et qui ne ſe ſeroit comme moy declarée
Sur la foy d’une amour ſi ſaintement jurée ?
Me voyoit-il de l’œil qu’il me voit aujourd’huy ?
Tu t’en ſouviens encor, tout conſpiroit pour luy.
Ma famille vangée, et les Grecs dans la joye,
Nos Vaiſſeaux tout chargez des dépoüilles de Troye,
Les Exploits de ſon Pere effacez par les ſiens,
Ses feux que je croyois plus ardents que les miens,
Mon Cœur, toy-meſme enfin de ſa gloire ébloüie,
Avant qu’il me trahiſt, vous m’avez tous trahie.
Mais c’en eſt trop, Cleone, & quel que ſoit Pyrrhus,
Hermione eſt ſenſible, Oreſte a des vertus.
Il ſçait aimer du moins, et meſme ſans qu’on l’aime,
Et peut-eſtre il ſçaura ſe faire aimer luy-meſme.
Allons. Qu’il vienne enfin.

Cleone

Allons. Qu’il vienne enfin.Madame, le voicy.

Hermione

Ah ! je ne croyois pas qu’il fuſt ſi prés d’icy.