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Page:Racine - Œuvres, tome 1, 1679.djvu/223

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Faiſons de ſa ruïne une juſte conqueſte.
Quoy pour réponſe aux Grecs porteray-je ſa teſte ?
Et n’ay-je pris ſur moy le ſoin de tout l’Eſtat,
Que pour m’en acquitter par un Aſſaſſinat ?
Souffrez, au nom des Dieux, que la Grece s’explique,
Et qu’il meure chargé de la haine publique.
Souvenez-vous qu’il regne, & qu’un front couronné…

Hermione

Ne vous ſuffit-il pas que je l’ay condanné ?
Ne vous ſuffit-il pas que ma Gloire offenſée
Demande une Victime à moy ſeule adreſſée ;
Qu’Hermione eſt le prix d’un Tyran opprimé,
Que je le hais, enfin, Seigneur, que je l’aimay ?
Je ne m’en cache point. L'Ingrat m’avoit ſçeu plaire.
Soit qu’ainſi l’ordonnaſt mon amour, ou mon Pere,
N’importe. Mais enfin reglez-vous là-deſſus.
Malgré mes vœux, Seigneur, honteuſement deceûs,
Malgré la juſte horreur que ſon crime me donne,
Tant qu’il vivra, craignez que je ne luy pardonne.
Doutez juſqu’à ſa mort d’un courroux incertain,
S’il ne meurt aujourd’huy, je puis l’aimer demain.

Oreste

Hé bien, Il faut le perdre, & prevenir ſa grace.
Il faut… Mais cependant que faut-il que je faſſe ?
Comment puis-je ſi toſt ſervir votre courroux ?
Quel chemin jusqu’a luy peut conduire mes coups ?
À peine ſuis-je encore arrivé dans l’Epire,
Vous voulez par mes mains renverſer un Empire,
Vous voulez qu’un Roy meure, & pour ſon chaſtiment,
Vous ne donnez qu’un jour, qu’une heure, qu’un moment.
Aux yeux de tout ſon Peuple, il faut que je l’opprime.
Laiſſez-moi vers l’Autel conduire ma Victime,
Je ne m’en défens plus. Et je ne veux qu’aller