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Page:Racine - Œuvres, tome 1, 1679.djvu/236

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Pour tout mes Ennemis je declare les ſiens,
Et je le reconnois jour le Roy des Troyens.
A ces mots, qui du Peuple attiroient le ſuſſrage,
Nos Grecs n’ont répondu que par un cry de rage,
L’Infidelle s’eſt vû par tout envelopper,
Et je n’ay pû trouver de place pour frapper.
Chacun ſe diſputoit la gloire de l’abbattre.
Je l’ay veu dans leurs mains quelque temps ſe debattre,
Tout ſanglant à leurs coups vouloir ſe dérober,
Mais enſin à l’Autel il eſt allé tomber.
Du Peuple épouvanté j’ay traverſé la preſſe
Pour venir de ces lieux enlever ma Princefie,
Et regagner le Port, où bien-toſt nos Amis
Viendront couverts du ſang, que je vous ay promis,

Hermione

Qu'ont-ils fait !

Oreste

Qu'ont-ils fait !Pardonnez à leur impatience.
Ils ont, je le voy bien, trahy voſtre vangeance.
Vous vouliez que ma main portaſt les premiers coups,
Qu'il ſentiſt en mourant qu’il expiroit pour vous.
Mais c’eft moy, dont l’ardeur leur a ſervi d’exemple,
Je les ay peur vous ſeule entrainez dans le Temple,
Madame, & vous pouvez juſtement vous flatter
D’une mort, que les Grecs n’ont fait qu’exécuter,
Vous ſeule avez pouſſé les coups...

Hermione

Vous ſeule avez pouſſé les coups.Tay toy, Perfide,
Et n’impute qu’à toy ton laſche Parricide.
Va faire chez tes Grecs admirer ta fureur,
Va, je la deſavoue, & tu me fais horreur.
Barbare qu’as-tu fait ? avec quelle furie
As-tu tranché le cours d’une ſi belle vie ?