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Page:Racine - Œuvres, tome 1, 1679.djvu/272

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NARCISSE.

Que tardez-vous, Seigneur, à la repudier ?
L’Empire, voſtre cœur, tout condamne Octavie.
Auguſte, voſtre ayeul, ſoûpiroit pour Livie,
Par un double divorce ils s’unirent tous deux,
Et vous devez l’Empire à ce divorce heureux.
Tibere, que l’Hymen plaça dans ſa famille,
Oſa bien à ſes yeux repudier ſa Fille.
Vous ſeul juſques icy contraire à vos deſirs
N’oſez par un divorce aſſurer vos plaiſirs.

NERON.

Et ne connois-tu pas l’implacable Agrippine ?
Mon amour inquiet déja ſe l’imagine,
Qui m’ameine Octavie, & d’un œil enflammé
Atteſte les ſaints droits d’un nœud qu’elle a formé,
Et portant à mon cœur des atteintes plus rudes,
Me fait un long recit de mes ingratitudes.
De quel front ſoûtenir ce fâcheux entretien ?

NARCISSE.

N’eſtes vous pas, Seigneur, voſtre Maiſtre, & le ſien ?
Vous verrons-nous toûjours trẽbler ſous ſa Tutelle ?
Vivez, regnez pour vous. C’eſt trop regner pour Elle.
Craignez-vous ? Mais, Seigneur, vous ne la craignez pas.
Vous venez de bannir le ſuperbe Pallas,
Pallas, dont vous ſçavez qu’elle ſoûtient l’audace.

NERON.

Eſloigné de ſes yeux j’ordonne, je menaſſe,

J’écoute vos conſeils, j’oſe les approuver,
Je m’excite contre-elle & tâche à la braver.
Mais (je t’expoſe icy mon ame toute nuë)
Si-toſt que mon mal-heur me rameine à ſa veuë,
Soit que je n’oſe encor démentir le pouvoir
De ces yeux, où j’ay lû ſi long-temps mon devoir,