Aller au contenu

Page:Racine - Œuvres, tome 1, 1679.djvu/278

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Plus il me feroit honte & mettroit en lumiere
Le crime d’en avoir dépoüillé l’heritiere.

NERON.

C’eſt de ſes intereſts prendre beaucoup de ſoin,
Madame, & l’amitié ne peut aller plus loin.
Mais ne nous flatons point, & laiſſons le myſtere.
La Sœur vous touche icy beaucoup moins que le Frere,
Et pour Britannicus…

JUNIE.

Il a ſcû me toucher,
Seigneur, & je n’ay point pretendu m’en cacher.
Cette ſincerité ſans doute eſt peu diſcrete,
Mais toûjours de mon cœur ma bouche eſt l’interprete.
Abſente de la Cour je n’ay pas dû penſer,
Seigneur, qu’en l’art de feindre il falut m’exercer.
J’aime Britannicus. Je luy fus deſtinée
Quand l’Empire ſembloit ſuivre ſon hymenée.
Mais ces meſmes malheurs qui l’en ont écarté,
Ses honneurs abolis, ſon Palais deſerté,
La fuite d’une Cour que ſa chûte a bannie,
Sont autant de liens qui retiennent Junie.
Tout ce que vous voyez conſpire à vos deſirs,
Vos jours toûjours ſereins coulent dans les plaiſirs.
L’Empire en eſt pour vous l’inépuiſable ſource,
Ou ſi quelque chagrin en interromp la courſe,
Tout l’Univers ſoigneux de les entretenir
S’empreſſe à l’effacer de voſtre ſouvenir.

Britannicus eſt ſeul. Quelque ennuy qui le preſſe
Il ne voit dans ſon ſort que moy qui s’intereſſe,
Et n’a pour tout plaiſir, Seigneur, que quelques pleurs
Qui luy font quelquefois oublier ſes malheurs.