Aller au contenu

Page:Racine - Œuvres, tome 1, 1679.djvu/281

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée




SCENE VI.

JUNIE, BRITANNICUS,

NARCISSE.

BRITANNICUS.

MAdame, quel bon-heur me rapproche de vous ?
Quoy je puis dõc joüir d’un entretiẽ ſi doux ?
Mais parmy ce plaiſir quel chagrin me devore !
Helas ! puis-je eſperer de vous revoir encore ?
Faut-il que je dérobe avec mille détours
Un bon-heur que vos yeux m’accordoient tous les jours ?

Quelle nuit ! Quel réveil ! Vos pleurs, voſtre preſence
N’ont point de ces cruels deſarmé l’inſolence ?
Que faiſoit voſtre Amant ? Quel demon envieux
M’a refuſé l’honneur de mourir à vos yeux ?
Helas ! dans la frayeur dont vous eſtiez atteinte
M’avez-vous en ſecret adreſſé quelque plainte ?
Ma Princeſſe, avez-vous daigné me ſouhaiter ?
Sõgiez-vous aux douleurs que vous m’alliez coûter ?
Vous ne me dites rien ? Quel accueil ! Quelle glace !
Eſt-ce ainſi que vos yeux conſolent ma diſgrace ?
Parlez. Nous ſommes ſeuls. Noſtre ennemy trompé
Tandis que je vous parle eſt ailleurs occupé.
Ménageons les momens de cette heureuſe abſence.

JUNIE.

Vous eſtes en des lieux tout pleins de ſa puiſſance.
Ces murs meſmes, Seigneur, peuvent avoir des yeux,
Et jamais l’Empereur n’eſt abſent de ces lieux.