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Page:Racine - Œuvres, tome 1, 1679.djvu/305

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Mais Rome veut un Maiſtre, & non une Maiſtreſſe.
Vous entendiez les bruits qu’excitoit ma foibleſſe.
Le Senat chaque jour, & le Peuple irritez
De s’oüir par ma voix dicter leurs volontez,
Publioient qu’en mourant Claude avec ſa puiſſance
M’avoit encor laiſſé ſa ſimple obeïſſance.
Vous avez veu cent fois nos Soldats en courroux
Porter en murmurant leurs Aigles devant vous,
Honteux de rabaiſſer par cét indigne uſage
Les Heros, dont encore elles portent l’image.
Toute autre ſe ſeroit renduë à leurs diſcours,
Mais ſi vous ne regnez, vous vous plaignez toûjours.
Avec Britannicus contre moy reünie
Vous le fortifiez du party de Junie,
Et la main de Pallas trame tous ces complots.
Et lors que, malgré moy, j’aſſure mon repos,
On vous voit de colere, & de haïne animée.
Vous voulez preſenter mon Rival à l’Armée.
Déja juſques au Camp le bruit en a couru.

AGRIPPINE.

Moy, le faire Empereur, Ingrat ? L’avez-vous crû ?

Quel ſeroit mon deſſein ? Qu’aurois-je pû pretendre ?
Quels honneurs dans ſa Cour, quel rang pourrois-je attendre ?
Ah ! ſi ſous voſtre Empire on ne m’épargne pas,
Si mes Accuſateurs obſervent tous mes pas,
Si de leur Empereur ils pourſuivent la Mere,
Que ferois-je au milieu d’une Cour eſtrangere ?
Ils me reprocheroient, non des cris impuiſſans,
Des deſſeins eſtouffez auſſi-toſt que naiſſans,
Mais des crimes pour vous commis à voſtre veuë,
Et dont je ne ſerois que trop toſt convaincuë.
Vous ne me trompez point, je voy tous vos dêtours,
Vous eſtes un Ingrat, vous le fuſtes toûjours.
Dés vos plus jeunes ans mes ſoins & mes tendreſſes