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Page:Racine - Œuvres, tome 1, 1679.djvu/308

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BURRHUS.

Et qui de ce deſſein vous inſpire l’envie ?

NERON.

Ma gloire, mon amour, ma ſureté, ma vie.

BURRHUS.

Non, quoy que vous diſiez, cét horrible deſſein
Ne fut jamais, Seigneur, conceu dans voſtre ſein.

NERON.

Burrhus !

BURRHUS.

De voſtre bouche, ô Ciel ! puis-je l’apprendre ?
Vous meſme ſans fremir avez vous pû l’entendre ?
Sõgez-vous dans quel ſang vous allez vous baigner ?
Neron dans tous les cœurs eſt-il las de regner ?
Que dira-t-on de vous ? Quelle eſt voſtre penſée ?

NERON.

Quoy toûjours enchaîné de ma gloire paſſée
J’auray devant les yeux je ne ſçay quel amour,
Que le hazard nous donne & nous oſte en un jour ?
Soûmis à tous leurs vœux, à mes deſirs contraire
Suis-je leur Empereur ſeulement pour leur plaire ?

BURRHUS.

Et ne ſuffit-il pas, Seigneur, à vos ſouhaits
Que le bon-heur public ſoit un de vos bien-faits ?
C’eſt à vous à choiſir, vous eſtes encor maiſtre.
Vertueux juſqu’icy, vous pouvez toûjours l’eſtre.
Le chemin eſt tracé, rien ne vous retient plus.
Vous n’avez qu’à marcher de vertus en vertus.
Mais ſi de vos flatteurs vous ſuivez la maxime,
Il vous faudra, Seigneur, courir de crime en crime,

Souſtenir vos rigueurs, par d’autres cruautez,
Et laver dans le ſang vos bras enſanglantez.
Britannicus mourant excitera le zele
De ſes Amis tout preſts à prendre ſa querelle.