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Page:Racine - Œuvres, tome 1, 1679.djvu/319

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Doutez-vous d’une Paix, dont je fay mon ouvrage ?

JUNIE.

Apres tous les ennuis que ce jour m’a couſtez,
Ay-je pû raſſurer mes eſprits agités ?
Helas ! à peine encor je conçoy ce miracle.
Quand même à vos bontez je craindrois quelque obſtacle,
Le changement, Madame, eſt commun à la Cour,
Et toûjours quelque crainte accompagne l’amour.

AGRIPPINE.

Il ſuffit, j’ay parlé, tout a changé de face.
Mes ſoins à vos ſoupçons ne laiſſent point de place.
Je répons d’une Paix jurée entre mes mains,
Neron m’en a donné des gages trop certains.
Ah ſi vous aviez veu par combien de careſſes
Il m’a renouvellé la foy de ſes promeſſes !
Par quels embraſſemens il vient de m’arreſter !
Ses bras dans nos Adieux ne pouvoient me quitter.
Sa facile bonté ſur ſon front répanduë
Juſqu’aux moindres ſecrets eſt d’abord deſcenduë,
Il s’épanchoit en Fils, qui vient en liberté
Dans le ſein de ſa Mere oublier ſa fierté.
Mais bien-toſt reprenant un viſage ſevere,
Tel que d’un Empereur qui conſulte ſa Mere,
Sa confidence auguſte a mis entre mes mains
Des ſecrets d’où dépend le deſtin des humains.
Non, il le faut icy confeſſer à ſa gloire.
Son cœur n’enferme point une malice noire,
Et nos ſeuls ennemis alterant ſa bonté,
Abuſoient contre nous de ſa facilité.
Mais enfin à ſon tour leur puiſſance decline.
Rome encore une fois va connoiſtre Agrippine.
Déja, de ma faveur on adore le bruit.
Cependant en ces lieux n’attendons pas la nuit,
Paſſons chez Octavie, & donnons luy le reſte