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TRAGEDIE.




SCENE III.

IOCASTE, ANTIGONE,


IOCASTE.


HE bien en eſt-ce fait ? L’un ou l’autre perfide,
Vient-il d’executer ſon noble parricide ?
Parlez, parlez, ma Fille ?

ANTIGONE.

Parlez, parlez, ma Fille ? Ah ! Madame, en effet,
L’Oracle eſt accomply, le Ciel eſt ſatisfait.

IOCASTE.

Quoy mes deux Fils ſont morts ?

ANTIGONE.

Quoy mes deux Fils ſont morts ? Un autre ſang, Madame,
Rend la Paix à l’Eſtat & le calme à voſtre ame :
Un ſang digne des Rois dont il eſt découlé,
Un Heros pour l’Eſtat s’eſt luy-meſme immolé.
Je ſortois pour fléchir Hémon & Polinice,
Ils eſtoient dé-ja loin avant que je ſortiſſe.
Je leur criois d’attendre & d’arreſter leurs pas.
Mais loin de s’arreſter ils ne m’entendoient pas.
Ils ont couru tous deux vers le champ de bataille,
Et moy je ſuis montée au haut de la muraille,
D’où le peuple eſtonné regardoit comme moy,
L’approche d’un combat qui le glaçoit d’effroy.
A cét inſtant fatal le dernier de nos Princes,
L’honneur de noſtre ſang, l’eſpoir de nos Provinces,
Menecée en un mot digne Frere d’Hémon,
Et trop indigne auſſi d’eſtre Fils de Créon,
De l’amour du pays monſtrant ſon ame atteinte,