Aller au contenu

Page:Racine Théâtre Barbou 1760 tome3.djvu/222

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

214 (E U V R E s

s'ofFenfe , Se fe paflionne jufqu'à fortir de lui-même , pour entrei" dans le fenriment des perfonnes qu'il le- préfente. Il elt quelquefois Turc , quelquefois Maure , tantôt homme , tantôt femme j & il ne quitte une pallion que pour en prendre une autre. De l'amour il tombe dans la haine , de la colère il pafle à la ven- geance , &c toujours il veut faire lentir aux autres les mouvemens qu'il foutfrc lui-même 5 il eii fâché quand il ne réulfit pas dans ce malheureux deflein ', il s'attriftc du iTial qu'il n'a pas fait.

Quelquefois ihs vers peuvent être afTez innocens ; mais la volonté du Poète cil toujours criminelle ; les vers n'ont pas toujours allez de charmes pour empoifoii' ner, mais le Poète veut toujours qu'ils empoifonnent ; il veut toujours que l'aftion foit pallionnéc, & qu'elle excite du trouble dans le coeur des fpedateurs.

Quel rapport trouvez-vous donc entre un Poète de théâtre & le traducteur de Térence ? L'un traduit un auteur pour Tinilrudion des cnfans , qui eft un bien néceflaire 5 l'autre fait des comédies , dont la meilleure qualité eft d'être inutiles. L'un travaille â éclaircir U langue de l'Eglife ; l'autre enfeigne â parler le langage , des fables & des idolâtres. L'un ôte tout le poifon que '\ les paycns ont mis dans leurs comédies ; l'autre en i compofe de nouvelles, &: tâche d'y mettre de nouveaux poHons. L'un enfin fait un facrifice à Dieu , en tra- vaillant utilement pour le bien de l'Etat & de l'Eglife; &: l'autre fait un facrifice au démon , comme dit faint Augultin , en lui donnant des armes pour perdre \ts aines. Cependant vous égalez ces deux efprits ; vous ne mettez point de différence entre leurs ouvrages, &C vous obligez toutes les perfonnes juftes de vous dire avec faint Jérôme, qu'il n'ert rien de plus honteux que Ac confondre ce qui fe fait pour le plaifir inutile des hommes, avec ce qui fe fait pour l'inftrudion des en- fans ; 6» quoi in pueris necejjitatis eji , crimèn infefa- ctre voluptads.

Reconnoiflez donc , Monfieur , que la traduftion de

�� �