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Page:Racine Théâtre Barbou 1760 tome3.djvu/61

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TRAGÉDIE. 53

Que. vous croyez, Seigneur , le rebut des humains. D'une riche contrée autrefois fouverains. Pendant qu'ils n'adoroient que le Dieu de leurs pères. Ont vu bénir le cours de leurs deftins profpères.

Ce Dieu , maître abfolu de la terre & des cicux , N'eft point tel que l'erreur le figure à vos yeux. L'éternel eft fon nom. Le monde efl: fon ouvrage. Il entend les foupirs de l'humble qu'on outrage , Juge tous les mortels avec d'égales loix , Et du haut de fon trône interroge les rois. Des plus fermes états la chute épouvantable , Quand il veut, n'eft qu'un jeu de fa main redoutable. Les Juifs à d'autres dieux ofèrent s'adreflér. Roi , peuple , en un jour tout fe vit difperfer. Sous les Aflyriens leur trifte fervitude Devint le jufte prix de leur ingratitude.

Mais , pour punir enfin nos maîtres à leur tour , Dieu fit choix de Cyrus , avant qu'il vit le jour , L'appella par fon nom, le promit à la terre , Le fit naître, & foudain l'arma de fon tonnerre , Brifa les fiers remparts & les portes d'airain , Mit des fuperbes rois la dépouille en fa main , De fon temple détruit vengea fur eux l'injure. Babylone paya nos pleurs avec ufure. Cyrus, par lui vainqueur, publia fcs bienfaits , Regarda notre peuple avec des yeux de paix , Nous rendit & nos loix & nos fêtes divines 5 Et le temple déjà fortoit de fes ruines. Mais , de ce roi fi fage , héritier infenfé , Son fils interrompit l'ouvrage commencé , fut fourd à nos douleurs. Dieu rejetta fa race ï Le retrancha lui-même , & vous mit en fa place.

Que n'efpérions-nous point d'un roi fi généreux î Dieu regarde en pitié fon peuple malheureux , Difîons-nous ; un roi règne , ami de l'innocence. Par-tout du nouveau prince on vantoit la clémence. Les Juifs par-tout de joie en pouflèrent des cris. Ciel , verra-ç-on toujours , par de cruels efprits ,

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