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Page:Racine Théâtre Barbou 1760 tome3.djvu/89

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TRAGÉDIE. u

Joas laîfTé pour mort frappa foudain ma vue.

Je me figure encor fa nourrice éperdue ,

Qui devant les bourreaux s'étoit jertée en vain ,

Et foible le tenoit renverfé fur fon fein.

Je le pris tout fanglant. Et baignant fon vifage ,

Mes pleurs du fentiment lui rendirent l'ufage ;

Et , foit frayeur encore , ou pour me carelTer ,

De Ces bras innocens je me fentis prefTer.

Grand Dieu, que mon amour ne lui foit point funefte î

Du fidèle David c'eft le précieux refte.

Nourri dans ta maifon en l'amour de ta loi ,

II ne connoît encor d'autre père que toi.

Sur le point d'attaquer une reine homicide ,

A l'afpeû du péril fi ma foi s'intimide ,

Si la chair & le fang , fe troublant aujourd'hui ,

Ont trop de part aux pleurs que je répands pour lui 5

Conferve l'héritier de tes faintes promeflès ,

Et ne punis que moi de toutes mes foiblefTes.

J A D,

Vos larmes , Jofabet , n'ont rien de criminel.

Mais Dieif veut qu'on efpcre en fon foin paternel.

Il ne recherche point, aveugle en fa colère ,

Sur le fils qui le craint , l'impiété du père.

Tout ce qui refte encor de fidèles Hébreux

Lui viendront aujourd'hui renouveller leurs vœux.

Autant que de David la race eft refpedée ,

Autant de Jézabel la fille eft déteftée.

Joas les touchera par fa noble pudeur ,

Où femble de fon fang reluire la fplendeur.

Et Dieu, par fa voix même , appuyant notre exemple.

De plus près à leur cœur parlera dans fon temple.

Deux infidèjes rois tour-à-tour l'ont bravé.

Il faut que fur le trône un roi foit élevé ,

Qui fe fouvienne un jour qu'au rang de Ces ancêtres

Dieu l'a fait remonter par la main de Ces prêtres ,

L'a tiré par leur main de l'oubli du tombeau ,

Et de David éteinç rallumé le flarpbeau.

Dv

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