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LE BAL DU COMTE D’ORGEL

potion avait-il besoin ? Dans sa fièvre, il lui semblait que seule une main fraîche l’apaiserait. Il ne croyait pas en vouloir une entre toutes.

Il pensait aimer dans le vague, alors qu’il ne ressentait du vague qu’à cause d’un choc bien net. Mais il avait peur de donner son vrai nom à ce choc. Il ne s’était pourtant guère exercé à tant de délicatesse, à une telle pudeur envers soi-même. Il ne faisait pas, d’habitude, tant de façons pour s’avouer qu’il désirait. Lui qui n’avait jamais refréné ses sens, et à plus forte raison ses pensées, il s’en interdisait, aujourd’hui, certaines. Il semblait enfin comprendre que plus que nos manières, dont le public est juge, importe la politesse du cœur et de l’âme, dont chacun de nous a seul le contrôle. Pourquoi ne serait-on pas envers soi de bonne compagnie ? Il avait honte d’avoir jusqu’ici montré moins d’estime à soi-même, de politesse qu’aux autres, et de s’être avoué cer-

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