Page:Radiguet - Le Bal du comte d’Orgel, Grasset, 1924.djvu/71

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
LE BAL DU COMTE D’ORGEL

faut de la poudre de mandragore. Moi je peux me faire aimer de qui je veux, car j’ai un mandragore. Il faudra venir le voir, il n’y en a que cinq au monde.

Elle avait acheté cette racine à forme humaine en 1913, pour quelques sous, dans un bazar de Constantinople. Elle croyait acheter une statuette nègre.

— Il faudra que je fasse votre buste, dit-elle après un silence.

— Vous sculptez ? demanda distraitement François.

— Pas spécialement ; mais, petite, j’ai appris tous les arts.

À quoi s’intéressait donc ce Séryeuse ? Elle se demanda si elle ne s’était pas montrée trop fine. Elle essaya de se mettre (croyait-elle) à son niveau. Elle se multiplia pour le distraire et l’amuser, en l’instruisant de sa flamme. François était presque malhonnête, il cachait à peine son ennui. Alors, éperdue, Hester Wayne, comme une femme dans le bureau d’un directeur de music-hall, et qui

— 43 —