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LE BAL DU COMTE D’ORGEL

pour le plaisir. Mais ces invités entraient rarement dans l’hôtel aux autres heures du jour. Ces invitations à déjeuner étaient donc à la fois une preuve d’amitié et d’un peu de dédain. Mais François ignorait les rouages complexes de cette machine mondaine, et leur invitation lui causa plus de plaisir qu’une invitation du soir, à laquelle il n’eût pu prétendre. Il accepta avec une joie visible. Cette joie plut au comte d’Orgel. Il avait l’enthousiasme facile. Une nature riche ne marchande pas, ne cherche pas à dissimuler. Le comte d’Orgel aimait à retrouver sa prodigalité chez les autres ; c’était pour lui le meilleur signe de noblesse. Il n’acceptait jamais la moindre invitation, le moindre cadeau, sans le signe extérieur du plaisir, le propre d’une nature noble étant de ne pas imaginer que tout lui est dû, ou du moins de cacher qu’elle le croit. C’est un Robin qui s’efforce de dissimuler le plaisir que lui font les choses, par crainte de

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