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Page:Raguey - Le Buste voilé, Roman complet no 19, 1916.djvu/29

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ractère perdait peu à peu de sa brusquerie, et je n’y remarquais plus de ces aspérités qui me choquaient. Il y avait des intonations caressantes dans sa voix ; ses yeux, quand elle me regardait, avaient quelque chose d’humide et de voilé qui m’étonnait. Tout son corps avait des mouvements moelleux et câlins qui la faisaient ressembler à une chatte qu’on a grondée et qui voulant se faire pardonner se met à jouer avec son maître en dissimulant ses griffes. Quand je m’aperçus de ce manège, je ne pus m’empêcher d’éprouver un sentiment de satisfaction vaniteuse. Mais bientôt après je me sentis mal à l’aise. Sa perspicacité de femme ne lui permit pas de se tromper sur la cause de mon trouble, et elle continua de m’envelopper comme dans un réseau de séductions d’autant plus dangereuses qu’elles étaient plus inattendues.

Tout ce que l’art de la « flirtation » peut fournir à une femme de ressources, elle l’employa, et je fus un jour sur le point de succomber aux enchantements de cette Circé. La tête perdue, les sens en délire, j’allais me jeter à ses pieds. Tout à coup je crus voir ma belle et douce Pia se placer entre elle et moi. Son nom vint comme un cri de remords sur mes lèvres. Miss Margaret, qui posait en ce moment pour son buste, quitta sa place, froide et dédaigneuse, en me disant :

— Vous n’êtes pas en bonnes dispositions pour travailler aujourd’hui monsieur.