Page:Ramuz - Aline, 1905.djvu/224

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but au goulot de la fontaine, puis elle ramassa sur la route un bouton perdu ; et elle ne saluait personne ; parfois elle secouait la tête et agitait la main devant elle. On pensait : « Elle devient folle. »

Elle n’était pas folle, mais seulement perdue. Quand on n’est plus utile à rien, on ne sait pas que faire, ni où aller. Elle était toute seule. Elle serait morte qu’on ne s’en serait pas même aperçu. Et on disait :

— Elle irait au moins rejoindre sa fille. À quoi est-ce que ça lui sert de rester par là ?

On répondait :

— Voyez-vous, c’est ceux-là qui n’ont plus rien à faire qui se cramponnent le plus pour ne pas s’en aller.

Elle était comme une vieille vigne qui ne donne plus de fruits et dont les feuilles