Page:Ramuz - Joie dans le ciel.djvu/70

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toujours tout seul, personne à qui parler, et rien autre chose pour me distraire que ce trou sous mes pieds, où je m’enfonçais. N’empêche que chaque matin, j’étais là, et je ne descendais plus au village, couchant dans un fenil où mon frère m’apportait de quoi manger. Je sentais couler le long de moi l’eau de mon corps comme si elle était tombée du ciel, et je pleuvais et je tachais de noir la roche : indifférent à cette pluie et à toute pluie ; indifférent, je dis, au monde et à toutes les bonnes et belles choses du monde et à tout ce qui était vrai. J’étais arrivé au troisième mètre sans avoir rien trouvé encore ; mon frère me disait : « Alors ? » je disais : « Rien ! » J’allais quand même. J’avais terriblement maigri, j’allais toujours. Et de nouveau, mon frère : « Alors ? » Et moi, de nouveau : « Rien ! » Mais, à présent, je voyais qu’il me regardait