Page:Ramuz - La beauté sur la terre, 1927.djvu/245

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ruelle, car notre place n’est pas ici. Il a passé près de la gare. On n’a ensuite qu’à longer la voie-ferrée, et suivre pour cela la grande route, qui se met à descendre, ce qui l’oblige à des lacets, mais là le bossu l’a quittée. Il a pris à gauche. On était ici tout près de la musique ; il n’y avait plus rien entre elle et nous que la distance qui va à plat d’un bord à l’autre du ravin : elle lui soulevait l’épaule, cette musique, elle lui tournait derrière ses bosses, elle lui dansait sous les côtes ; ça le faisait aller plus vite, bien qu’il glissât sur le gazon et sur le côté des mottes pleines de sécheresse, où le grillon perce ses trous. On a vu bouger le viaduc comme s’il était en fumée. Lui vise sur le côté du fantôme blanc, là où les arches entrent de plus en plus dans la pente et sont coupées obliquement par elle, devenant de plus en plus basses ; il a été vers la plus basse de ces arches, sous laquelle il y a juste la place pour se glisser. Il y entre, il y est entré. Il en est ressorti. C’est fait.

Car il n’avait plus que deux bosses ; il a été comme il était toujours quand Décosterd venait le chercher ; il n’avait plus son sac, mais seulement ses deux charges ordinaires, comme quand il devait, et il le devait ce soir encore (ce samedi), aller chez Rouge ; seulement il a vu qu’aujourd’hui, il allait être en retard, c’est pourquoi il presse le pas. En effet, Décosterd l’attend. Comme il arrive dans la ruelle, il a vu que Décosterd est là et devait être là depuis un assez long moment, car Décosterd lui a dit : « D’où sortez-vous ? Heureusement que vous arrivez. J’allais m’en retourner tout seul et qu’est-ce que