Page:Ramuz - La beauté sur la terre, 1927.djvu/43

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Il montrait le café vide :

― Personne n’a pu y tenir…

― Mon pauvre Milliquet : tu es toujours le même. Tu ne vois pas ta chance.

― Ma chance ? Tiens…

Il avait tiré un papier de la poche de son gilet de chasse :

― Tiens, disait Milliquet, et tendait à Rouge le papier qui était une page de carnet avec une colonne pour les comptes :

ON DEMANDE

C’était le titre ; dessous venaient quelques lignes d’une grosse écriture pesée pleine de ratures :

Dans bon petit établissement du bord du lac, jeune fille bien recommandée pour le service du café. S’adresser sous chiffres…

― Oui, disait Milliquet, et voilà où j’en suis. Je n’ai même pas osé donner mon nom…

Debout à côté de la table (grand, lourd, le corps tombé, les épaules tombées, son pantalon qui tenait mal, sa barbe rare, sa moustache jaunâtre) ; — alors, là-bas, derrière le jeu de quilles, sous le ciel qui se nettoyait de plus en plus, mais ici on est sous les lampes, tout à coup l’accordéon avait commencé de jouer.

C’était pendant que Rouge, ayant lu, rendait le papier à Milliquet, et il disait :