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LA GRANDE PEUR

s’était entendu sur les conditions sans trop de peine ; ensuite il avait été convenu qu’on irait voir sur place où les choses en étaient, avant de rien conclure définitivement.

Il fallut attendre que la neige eût commencé à fondre ; heureusement que l’hiver avait été très froid, mais sec, et le printemps s’annonça de bonne heure. Ce pâturage de Sasseneire est à deux mille trois cents mètres ; il est de beaucoup le plus élevé de ceux que possède la commune, c’est-à-dire trois autres, mais qui sont sur les côtés de la vallée, tandis que Sasseneire est dans le fond, sous le glacier. Il arrive qu’à ces hauteurs-là, il y ait encore au mois de juin, des deux, des trois pieds de neige dans les parties mal exposées. Le bénéfice de cette année fut pour Crittin que la couche blanche se trouva moins épaisse là-haut que d’ordinaire et fut ainsi plus vite usée par la bonne chaleur du soleil qui avait commencé à se faire sentir dès le mois de mars. On n’était pas encore au milieu de mai qu’ils purent monter, et étaient cinq, c’est-à-dire le Président, Crittin et son neveu, Compondu et le garde communal. Ils sont partis à quatre heures du matin avec leurs lanternes et des provisions, sans