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LA GRANDE PEUR

était encore qu’elle n’eût pas l’air de s’occuper de personne, — ce qu’elle a fait, traversant la rue ouvertement, sans hâte. Le fenil donnait sur une ruelle composée tout entière de ces mêmes fenils, c’est-à-dire non habitée, de sorte que là non plus elle n’a pas été vue. Ce sont des fenils tenus levés en l’air par le moyen de quatre piliers de pierre, pour empêcher les souris d’y entrer ; — elle a fait un grand mouvement avec la jambe sous sa jupe, empoignant le cadre de la porte des deux mains. Puis elle a été dans le foin et voyait entre les poutres de mélèze, mises à plat l’une sur l’autre, et pas bien rejointes, en face d’elle, la maison et la cuisine, puis que la lampe s’est éteinte dans la cuisine. Elle a pris son panier ; il était lourd. C’est qu’elle s’était dit qu’ils ne devaient plus rien avoir à manger là-haut, à part leur pain dur et du vieux fromage ; — alors elle avait été chercher dans la cheminée ce qu’il y avait de meilleur, une forte tranche de jambon, des saucisses, et à la cave aussi ce qu’il y avait de meilleur ; puis, dans le dessous du râtelier, une miche de pain frais.

Elle a été là, tenant son panier sur ses genoux pour être prête quand le moment