Page:Ramuz - La grande peur dans la montagne, 1926.djvu/191

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
193
DANS LA MONTAGNE

cier, il a été où elle n’était pas ; — voyant le glacier tourner lentement de gauche à droite devant lui, comme une aiguille de montre, puis il l’a eu en face de soi, lui tombant tout entier dessus de ses hauteurs.

Joseph traverse le torrent sur des pierres.

Il semblait qu’il allait exprès où elle n’était pas. On le vit qui marchait à la rencontre des lieux les plus inhabités de la terre, les plus privés de toute présence d’homme, et où seulement une pierre qui dégringole fait entendre par moment une espèce de voix ; il allait à la rencontre de là où il n’y a rien du tout, là où elle n’était pas, là où elle ne pouvait pas être. Il n’y avait que le bruit des pierres ; pourtant il continuait d’avancer, ayant seulement le bruit d’une pierre qui dégringole au loin par moment pour répondre au bruit des pierres sous son pas, et cette voix-là seulement et cette espèce de voix-là pour s’élever en face de la sienne. Les sonnailles en arrière de lui s’étaient tues depuis longtemps ; seulement une pierre qui roule, ou un filet d’eau ruisselant, comme par une blessure, dans la moraine qu’il a abordée ou dans les crevasses du glacier qu’il avait en dessous de lui, maintenant. Il faisait un ciel tout uni et d’une seule même couleur, où