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DANS LA MONTAGNE

avec sa main à ses souliers dont il défait le cordon de cuir, puis, les attachant par le cordon, il se les pend autour du cou.

Il est pieds nus, il tient son bâton, il serre son bâton dans son poing « pour si on cherchait à l’arrêter ». Il a son idée, qui le fait sortir ; il est hors du fenil, il est dans le passage, puis dans la rue ; il marche au milieu de la rue, il tient son bâton, il monte la rue, il est pieds nus ; — aller lui dire adieu, mais d’abord…

Parce qu’il s’était dit : « Ils seront vite trop nombreux ; un bâton n’y suffirait pas… »

Aller au moins lui dire adieu, et puis peut-être qu’on s’est trompé, est-ce qu’on sait jamais ? si peut-être on s’était trompé, à cause qu’à présent il doute de nouveau de tout, dans la grande nuit où il est ; et puis, mère, n’aie pas peur, c’est moi, je ne fais qu’entrer et sortir, j’ai seulement quelque chose à prendre dans ma chambre ; mais ne m’approche pas, ne me touche pas… Attention ! je te dis…

Parlant ces choses tout haut et d’avance, puis il connut qu’il était arrivé devant sa maison, il se vit montant le perron, on ne l’entendait pas monter, il avait ses souliers