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DANS LA MONTAGNE

jusqu’à la rivière et au pont, sur le chemin qu’il avait à suivre, de sorte qu’il n’a eu qu’à aller, comme il a fait, sa carabine sur l’épaule. Car qu’est-ce que vous vouliez qu’on fasse ? Quelques-uns, des étourdis, le voyant qui s’en allait, avaient bien proposé de lui courir après ; on les a retenus : « Au contraire, laissez-le partir ; plus vite il s’en ira, mieux ça vaudra pour nous… » La grande affaire était de ne pas l’approcher. On disait : « Il faudra laver le plancher… » — « Et, elle, s’il l’a touchée ? » — « Il faudra verser de l’eau sur les marches, dans les deux maisons, laver le plancher, frotter le carreau de la cuisine, faire bien attention de ne pas oublier de changer de souliers… » Ah ! si seulement on avait pu imaginer que jamais il ferait le tour, on n’aurait eu qu’à établir un second poste à ce bout-ci du pont, rien de plus facile… Mais est-ce qu’on aurait jamais cru qu’il ferait tout ce long chemin, pas commode, tellement peu commode que bien rares sont ceux qui s’y sont risqués et jamais autrement qu’à plusieurs… Maintenant il était un peu tard pour le placer, ce poste ; pourtant on l’a placé. On se disait : « Il pourrait avoir l’idée de revenir, on ne sait jamais, c’est plus prudent. On sera plus