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LA GRANDE PEUR

Ce fut seulement plus tard, ce fut comme on s’en allait déjà. Il se trouva que le père de Victorine n’avait pas voulu se laisser emmener, pendant qu’on commençait à jeter la terre dans la fosse. Il n’avait rien dit jusqu’alors, il n’avait pas fait un geste, il n’avait même pas pleuré ; — il continuait à ne rien dire, il continuait à avoir les yeux secs, mais il ne voulait pas venir. Voilà alors qu’on commence à se retourner, c’était pendant qu’on sortait déjà du cimetière ; on voit que l’un de ses fils parlait au vieux, puis l’avait pris par le bras, mais le vieux ne bougeait pas. L’autre des fils s’appelait Sébastien. Le vieux secouait la tête, c’est tout ; et de nouveau le premier de ses fils, le tenant toujours par le bras, se penchait de côté pour le faire venir, tandis que Sébastien était à la gauche du vieux. Mais tout à coup Sébastien se tourne vers son frère, il lui dit quelque chose ; on n’a pas compris, il parlait bas. Seulement, ensuite, il parle haut, on entend : « Reste ici, toi, reste avec lui ; et puis, s’il ne veut pas venir, laisse-le faire, ne le tourmente pas ; » puis il lève le bras.

Il dit : « C’est moi que ça regarde ! »

Il a levé le bras, tourné vers nous, sans