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LA GRANDE PEUR

C’était le soir, au commencement de juin, et à un moment où les hommes qui devaient monter au chalet auraient dû être déjà engagés, cependant il ne s’était encore présenté personne, sauf Clou, comme on vient de voir ; — alors ils se tenaient là-haut, les deux, une fois de plus, sous la haie. Longtemps ils n’avaient rien dit. À présent, la montagne devant eux était grise ; même les plus hautes pointes avaient été déshabillées de leurs couleurs dans le ciel.

Ils continuaient à ne rien dire. Elle attendait qu’il parlât le premier. Finalement, elle s’était tournée vers lui ; elle commençait à être étonnée. Elle l’a regardé une première fois ; elle le regarde encore comme pour lui demander : « Qu’est-ce qu’il y a ? »

C’était dans le temps que la montagne était devenue toute grise comme quand la cendre se met sur la braise.

On a entendu claquer des fouets ; on a vu les vaches venir boire à la fontaine ; elles faisaient des taches sombres, car la race d’ici est une petite race noire.

On a parlé encore dans le village ; — et Clou venait de s’en aller, l’épaule gauche plus basse que l’épaule droite ; — c’est alors que Victorine a regardé encore Joseph.