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LA GRANDE PEUR

— Alors, si tu veux…

Puis s’arrête encore une fois.

— Écoute, ma petite Victorine, il nous faut être raisonnables… J’ai eu une idée… Ces deux cents francs… Écoute, je me suis dit que j’allais monter à Sasseneire. Ils cherchent du monde. Ma mère pourra faire seule, parce qu’on enverra les deux bêtes là-haut. Je n’aurai qu’à aller parler au Président… Et les deux cents francs seront trouvés, parce que tu sais qu’on n’est pas riche ; et on pourra acheter le lit, le linge, tout ce qui nous manque encore, on pourra faire réparer la chambre avant l’hiver ; tout serait prêt pour le mois de novembre, puisqu’on avait parlé de ce mois-là, à moins que tu n’y tiennes plus ; en ce cas, on pourrait attendre, mais, moi, j’aimerais mieux ne pas avoir besoin d’attendre… Et toi ?

Il avait parlé d’affilée ; à un moment donné, il a bien fallu qu’il s’arrête, quoiqu’il eût assez voulu continuer, parce qu’il n’a pas pu ne pas voir qu’elle avait laissé aller sa tête en avant ; et, ayant mis ses mains l’une dans l’autre, avait été les loger entre ses genoux, les épaules ramenées comme si elle avait froid.

On a entendu venir la clochette de la