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LA GRANDE PEUR

plus gros des quartiers de roc tombés autrefois des parois (et ils continuent à tomber), semblables à des maisons sans toits et sans fenêtres, laissant entre eux d’étroites ruelles tortueuses et faisant là comme un autre village en plus petit. Mais il n’y avait ni enfants, ni femmes, ni hommes, ni bruit de voix, ni bruit de scie, ni bruit de faux, ni cris de poules, ni quand on plante un clou, ni quand on rabote une planche ; et, portant ses regards autour de lui, Joseph continuait de se faire mal aux yeux à des pierres, à toujours des pierres, à rien que des pierres ; et à toujours personne, et à cette absence de tout mouvement et de tout bruit. Rien que des pierres, avec un peu de gazon par plage, quelques buissons, les hautes tiges des gentianes ; rien que des pierres et l’eau qui est comme un serpent qui rampe ; parue, disparue, reparaissant. Il allait sans trop savoir où il allait. Il se disait : « Je ne vais plus pouvoir descendre, elle ne va plus pouvoir monter et on va être séparés, on va être complètement séparés… »

Il a été entre deux nouveaux quartiers de roc, puis il en sort et l’eau se montre de nouveau à côté de lui, faisant bouger son