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vérité trop banale et peu commode dont on ne sait que faire — en science ; mais il n’expose jamais son rôle historique et social. Voilà pourquoi il n’emploie jamais ou presque jamais dans ses écrits scientifiques le terme progrès. C’est l’évolution économique, c’est le développement des forces productives qui le préoccupe, en tant qu’homme de science. Rien de plus. The rest is silence, comme dit Shakespeare dans Hamlet.

Pierre Lavroff, au contraire, ne parle que de progrès et de développement individuel. Le progrès social n’est pour lui qu’un moyen de réalisation pour l’individu de son développement intégral. Nous trouvons chez Lavroff la loi du progrès formulée de trois façons différentes, identiques pourtant, puisque ces trois formules aboutissent au même principe de l’intérêt individuel, du bonheur individuel, si j’ose employer ce terme un peu démodé et inexact. Les voici :

1) Le progrès est le processus qui développe dans l’humanité la conscience, la vérité et la justice à l’aide du travail de la pensée critique des individus appliquée à « la culture » de leur temps.

2) Le progrès consiste dans le développement physique, intellectuel et moral de l’individu, et dans la réalisation, par les formes sociales, de la vérité et de la justice.

3) Le progrès est le développement de la conscience individuelle et de la solidarité sociale.

Ou en d’autres termes :

Le progrès consiste dans le développement et le renforcement de la solidarité, en tant qu’elle n’empêche le développement des processus conscients et des motifs (réfléchis) d’action chez les individus ; le progrès consiste également dans le développement de plus en plus large et de plus en plus net des processus conscients et des motifs réfléchis chez les individus, en tant que ce développement n’empêche le développement et le renforcement de la solidarité entre le plus grand nombre possible d’individus.


III

L’individu est non seulement pour Lavroff le point d’arrivée, mais aussi le point de départ. Il est également l’outil à l’aide duquel se fait l’histoire. Tout dans l’histoire est pour l’individu et par l’individu. Pierre Lavroff concilie le déterminisme historique avec son point de vue subjectif d’une façon très originale. Tout ce qui se passe dans la vie historique et sociale est sujet au déterminisme, se produit fatalement par des causes déterminées, par des antécédents inévitables. L’ensemble des lois géologiques, physiques et chimiques,