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IX


La guerre avait fait grâce. L’hiver qui suivit son incorporation, Laurent était revenu à la maison, maigre, pâle et silencieux, les poumons atteints. Mais la réforme temporaire permettait de lui remettre des « calories » dans l’organisme et c’était là un domaine sur lequel Isabelle défiait toute comparaison. Meubles et bijoux de famille se virent transformés les uns après les autres en mois de campagne, en viandes saignantes, en longs sommeils, et Laurent était redevenu un garçon bon à tuer selon l’idéal du moment lorsque les cloches et le canon de l’armistice firent s’envoler le cauchemar avec le souffle des derniers morts.

Et l’on entra dans l’après-guerre, sous la constellation de l’or-papier.

Isabelle, suivant le courant, s’était métamorphosée en femme d’affaires et rétablissait la prospérité qui permettrait aux enfants de poursuivre en paix leurs études supérieures.

Inventant chaque jour une nouvelle fanfreluche, aussitôt absorbée et payée au prix fort par un public altéré de jouissance, elle fréquentait le monde du commerce de luxe et de la haute couture, d’où elle revenait riche en aperçus instantanés sur le siècle.

— Quel monde, mes enfants, quel monde ! Ce matin, j’arrive chez Jane Hellmuth, commission-exportation. Une puissance, comme on dit, sur la place de Paris.

« Elle commence par me faire attendre une demi-